14 juin 2009

Les lois du coeur - Ennemis intimes (3)



Pour l’heure, Thomas ne rêvait que d’une douche et bientôt il se glissait sous l’eau chaude avec un soupir de bien-être, longtemps il laissa l’eau couler sur son corps pour se relaxer, puis il se drapa dans un drap éponge et se rendit dans la cuisine pour se préparer un repas substantiel.
Grâce au four à micro-onde, il n’eut pas longtemps à attendre pour déguster une bonne pizza aux trois fromages. Une fois rassasié, Thomas s’installa confortablement sur le sofa, et commençait à regarder une émission à la télévision quand on frappa à la porte. Surpris, il sursauta, puis se leva pour aller ouvrir mais il s’immobilisa, la main sur la poignée, demanda d’une voix méfiante.
- Oui, qui est-ce ?
La réponse vint aussitôt, inattendue.
- Déborah De Montfort.
Thomas, bien que stupéfait, s’apprêtait à la laisser entrer quand il se souvint qu’il ne portait qu’un caleçon, un caleçon très convenable certes, mais elle était si guindé qu’elle se formaliserait certainement et il ne tenait pas à ce montrer une fois de plus à son désavantage.
- Que voulez-vous ? J’allais me coucher, je ne suis pas habillé, lui dit-il à travers la porte.
Il y eut un moment de silence, puis elle répondit d’un ton neutre.
- Vous avez un pneu crevé.
- Un pneu crevé, répéta Thomas d’une voix incrédule. Il n’avait rien remarqué en se garant.
- Oui, j’ai pensé qu’il valait mieux vous prévenir tout de suite, ajouta-t-elle, après une petite hésitation.
Avant qu’il puisse répondre quoi que ce soit, il entendit le bruit de ses pas qui s’éloignait, puis celui de sa porte qui se refermait.
Allons bon, ce n’est pas encore ce soir que je pourrais me coucher tôt. Dieu sait combien de temps il me faudra pour changer la roue ! Thomas soupira, résigné et alla enfiler un jean, passa une chemise et chaussa des baskets, puis sortit. Il valait mieux s’en occuper tout de suite.

Sa voisine n’avait pas menti, le pneu arrière était en effet complètement dégonflé. Il se dirigea vers l’arrière du véhicule, sortit la roue de secours et le cric de leur compartiment, puis s’agenouilla et, après avoir soulever la voiture, commença à dévisser les boulons, lorsqu’il eut conscience d’une présence derrière lui. Thomas tourna la tête, et découvrir Déborah qui l’observait. Sans mot dire, il se remit au travail, puis il l’entendit annoncer.
- Je suis venue voir si je pouvais vous aider.
- Je me débrouille très bien tout seul, merci !
- Oui, c’est ce que je constate. Je peux vous conduire jusqu’à une station service et attendre que l’on répare votre roue.
- Nous ne trouverons jamais une station ouverte à cette heure-ci.
- Si j’en connais une.
- Et vous croyez qu’ils accepteront de faire la réparation tout de suite ? S’étonna-t-il.
- Nous pouvons toujours demandé.
- Cela ne vous dérange pas de m’y conduire ? Insista Thomas, incrédule.
- Puisque je vous le propose, c’est que cela ne me gêne pas ?
- Très bien, voulez-vous m’attendre ? demanda-t-il, je vais cherché mon portefeuille.
- Oui, oui bien sûr, je ne bougerai pas d’ici.
- Merci. Je ne serai pas long.
Toute fatigue semblait l’avoir quitté et Thomas courut jusqu’à son appartement. Une fois dans le salon, il éteignit la télévision, empoigna son portefeuille et s’assura qu’il avait assez d’argent pour payer la réparation, puis il s’empressa de partir rejoindre sa voisine.

- Nous ne devrions plus en avoir pour longtemps, affirma Thomas pour la rassurer.
- J’espère que vous avez raison, répondit Déborah.
Elle examina curieusement la pièce où ils se trouvaient. Ce n’était pas vraiment le genre d’endroit que l’on s’attendait à la voir fréquenter. Son regard glissa sur les clefs, les tournevis et diverses pièces mécaniques accrochés au mur par des clous. Incapable de rester immobile plus longtemps, elle se dirigea vers la fenêtre et fixa les pompes à essence dehors.
Pendant qu’elle lui tournait le dos, Thomas admira le galbe de ses longues jambes, la plénitude de ses formes. Elle était réellement attirante, il ne pouvait le nier, mais quand Déborah pivota, il détourna rapidement les yeux. D’habitude, il trouvait toujours un sujet de conversation, avec Déborah, au souvenir de leurs précédentes rencontres, il ne savait que lui dire.
- Je vous remercie beaucoup pour votre aide, déclara-t-il enfin.
- C’est normal, il faut s’entraider entre voisins.
L’arrivé du garagiste empêcha Déborah de continuer sa conversation.
- Vous avez roulé sur un clou, et un gros, précisa l’homme. Tout est arrangé maintenant. Votre pneu est comme neuf.
- Thomas le remercia et saisit son portefeuille pour régler le montant de la réparation. Puis, il suivit Déborah dehors.

Sur le chemin du retour, Déborah conduisit en silence et Thomas qui, contrairement à son habitude, ne savait que dire, ne tenta pas de relancer le dialogue. Dès qu’ils eurent regagné la résidence, il sortit de la Clio. Et s’apprêtait à changer de nouveau sa roue.
- Comment vous remercier ? Demanda Thomas par politesse tout en sachant qu’elle refuserait le moindre dédommagement pour sa peine.
- Ce n’est rien voyons, se défendit-elle, en commençant à monter vers la terrasse qui séparait leurs appartements.
Il est grand temps que je rendre, il commence à me troubler dangereusement, se dit-elle. Si non je risque de me laisser aller, et le regretterais plus tard. D’ailleurs, ce n’est pas du tout mon genre.
Arrivée en haut des marches, elle lui souhaita une bonne nuit et rentra chez elle sans rien ajouter.

La nouvelle vie de Déborah s’organisait de façon très satisfaisante. Son travail la passionnait chaque jour d’avantage et Marc semblait convaincu de sa valeur car il lui laissait prendre de nombreuses initiatives.
Quand vint la fin de la semaine, elle ne put s’empêcher d’être déçue en constatant qu’elle n’avait plus rencontré Thomas depuis le soir de la crevaison et se demandait s’il s’efforçait de l’éviter ? Il était bizarre !
Je pourrais peut-être aller lui rendre visite ? Aussitôt, elle imagina l’air ennuyé du jeune homme quand il ouvrirait sa porte pour découvrir qu’elle venait l’importuner. Et elle ne put résister à la tentation de l’obliger à la recevoir poliment alors qu’il souhaiterait de tout son cœur la renvoyer chez elle. A cette idée, elle éclata de rire.
Un coup d’œil à sa montre lui apprit qu’elle disposait encore de deux bonnes heures avant de devoir se préparer à sortir. La Galerie d’Art avec le soutien de la commune organisait un gala de bien faisances. Ainsi l’argent recueilli par la vente d’oeuvres d’artistes servirait à créer un centre d’accueil pour enfants gravement malade.
Que faire en attendant qu’il soit 18 heures ? Se demanda-t-elle avant que son attention ne revienne sur son voisin.

Tandis que Thomas mitraillait son modèle de flash interminable, un bruit irritant par son insistance parvint jusqu’à son oreille et brisa son élan.
- Est-ce que tu attends quelqu’un ? demanda-t-il ? D’une voix agacé.
- Chéri, nous sommes chez toi, lui rappela posément Ella.
Voila ce qu’il aimait en elle, outre sa beauté, rien ne semblait l’émouvoir outre mesure. Il appréciait son naturel, son calme imperturbable. Elle correspondait exactement à ce qu’il recherchait chez une femme. Et si elle n’était pas encore sa maîtresse, elle ne tarderait pas à le devenir. Puis, quand ils seraient las l’un de l’autre, ils se quitteraient et resteraient amis.
Un nouveau coup de sonnette le tira de sa réflexion.
- Je ferais mieux d’aller voir de quoi il s’agit, dit-il.
Bien décidée, Déborah profita de la stupéfaction de Thomas pour entrer d’autorité chez lui dès qu’il eut ouvert. Toute à la joie d’avoir réussi ce tour de force, elle ne remarqua pas la femme étendue sur le canapé du salon.
- Vous savez, j’ai bien cru un moment que vous aviez déménagé, lança-t-elle d’un ton rieur. Je ne vous ai pas vu de la semaine.
Comme pétrifié, Thomas fixait Déborah sans pouvoir prononcer un mot. Son entrée l’avait pris complètement au dépourvu, et maintenant il ne pouvait détacher son regard de ses prunelles d’un vert intense où dansait une lueur moqueuse. Sans qu’il puisse se l’expliqué, sa vue fit bondir son cœur, une réaction habituelle depuis qu’il la connaissait et qu’elle seule faisait naître en lui.
L’air embarrassé de Thomas réjouit Déborah. Elle adorait le choquer où l’énervé et elle demanda d’une voix faussement confuse.
- J’espère que je ne vous ai pas dérangé au milieu de quelque chose d’important ?
- Chéri, tu devrais nous présenter, fit une voix féminine dans son dos.
La présence d’Ella lui revint brusquement en mémoire et il lui jeta un rapide coup d’œil.
Ce fut au tour de Déborah de se figer. Lentement, elle se retourna et détailla la femme qui venait de parler, notamment la perfection de son teint de porcelaine, ses yeux bleus ourlés de cils immenses, l’élégance de sa tenue, tout en elle respirait les filles que l’on voyait dans les magazines de mode.
Il fallait agir, et vite. Certes, elle avait voulu déranger Thomas, mais sans imaginer qu’elle le surprendrait en galante compagnie ! Elle devait à tout prix se sortir de cette situation inconfortable. Un coup d’œil rapide sur le jeune homme lui apprit que ce dernier ne lui serait d’aucune utilité, il était visiblement dépassé par les événements et cherchait encore à rassembler ses esprits, elle ne pouvait compter que sur elle-même. Agir avec un parfait naturel, voilà ce qu’elle devait faire, comme si elle n’avait aucune raison d’être gênée, d’ailleurs pourquoi serait-elle embarrassée, elle n’avait rien à se reprocher, mis à part son intrusion cavalière.
- Je suis Déborah De Montfort, dit-elle. La voisine de Thomas.
- Et moi, je suis son modèle, répondit la femme d’une voix possessive. Je m’appelle Ella Lazaro.
- J’occupe l’appartement d’en face en l’absence des propriétaires, précisa-t-elle pour masquer son antipathie. Connaissez-vous les Simon ? Enchaîna-t-elle pour meubler le silence.
- Non, malheureusement pas.
- C’est un couple charmant, ajouta Déborah.
Derrière elle, Thomas toussa, ou s’étrangla en entendant ses paroles, elle ne se tourna pas pour vérifier.
- Est-ce que se sont des parents à vous ? S’enquit Ella d’un ton poli.
- Mon Dieu, non, protesta Déborah en essayant de rire d’une façon naturelle.
Se sont juste de vagues connaissances, les parents d’une amie d’un ami…
- Hum, cela me semble bien compliqué, rétorqua Ella.
- Pas du tout, la contredit Déborah. Puis elle pivota vers son voisin car Ella lui était particulièrement antipathique.
- Désolée de m’être imposé de la sorte, j’ai entendu des bruits étranges venant de votre porte. Je voulais m’assurer que tout allait bien, entre voisins, il faut s’entraider, n’est ce pas ?
- C’est très gentil de votre part, comme vous le voyez, tout va très bien.
- Oui, je suis rassurée. Ravie de vous avoir rencontrée, continua-t-elle à l’adresse d’Ella, je dois partir. Elle tourna les tallons, s’éloigna aussi dignement que possible et claqua sa porte derrière elle.
Je me demande ce que Thomas peut bien lui trouver, elle est … elle est, si belle ! Fulmina Déborah en arpentant nerveusement l’appartement. Soudain, au milieu de sa colère, l’absurdité de la situation la frappa et elle éclata de rire. Thomas était si comique, planté dans l’entrée, trop abasourdi pour réagir !

Longtemps le souvenir de la scène qui venait de se dérouler l’amusa. Elle sourit encore en allant prendre une douche avant de se préparer pour le gala.