14 juin 2009

Les lois du coeur - L'ouverture (4)



Juste avant de partir Déborah appela une amie, elle n’avait pas envie de se rendre seule à cette réception où elle ne connaissait presque personne, et Marc serait sans doute occupé toute la soirée. Heureusement Nina était chez elle. Elle accepta immédiatement de l’accompagner et elles arrivèrent au Paradis Club peu avant 20 heures. L’immense salle aux parois de verre était déjà emplie d’une foule nombreuse et élégante.
Ce soir-là, elle avait choisi la petite robe noire de soirée, très classique, en soie fluide qui s’accordait parfaitement à ses jolies formes. Pendant ce temps, Nina s’était dirigée vers le bar où, usant de son charme, elle avait immédiatement réussi à se faire remettre deux coupes de champagne. Elle en tendit une à Déborah et commença à siroter le sien en détaillant ceux qui l’entouraient.
- Tu ne m’avais pas dit que toute la belle société serait présente, murmura-t-elle à l’adresse de son amie quand elle reconnut certaines des personnalités les plus en vue de la région.
- Oui, c’est une soirée très classe, fit Déborah. Il le fallait si nous voulions recueillir le plus de fonds possible.
- Achèteras-tu une de ces photos exposées ? Demanda Nina.
- Tu plaisantes, protesta Déborah à voix basse. Tu as vu le prix ?
Nina sourit, puis, reconnaissant quelqu’un dans un groupe peu éloigné, elle s’enquit.
- As-tu déjà rencontré Armand Limours ? Il est venu s’installé dans la région peu après ton départ pour Londres.
Déborah regarda dans la direction qu’indiquait son amie mais ne découvrit que des visages inconnus. Elle s’apprêtait à répondre négativement quand une voix familière retint son attention. Marc se trouvait près d’une baie vitrée et discutait avec son Directeur et certains de ses collègues.
- Viens, je vais te présenter à lui, continuait Nina. Je suis certaine que tu lui plairas.
- Hum, pourquoi n’irais-tu pas lui tenir compagnie toi-même ? répliqua Déborah en souriant.
- Ma foi, j’ai bien envie de te prendre au mot !
- Ne te gêne pas pour moi, cela me permettra de passer un moment avec mes collègues.
- Très bien, je te présenterai Armand plus tard, dit Nina en se dirigeant vers le jeune homme.

Déborah rejoignit le petit groupe. Marc qui fut le premier à l’apercevoir, siffla d’admiration.
- Ouah ! s’exclama-t-il, j’ai failli ne pas te reconnaître ! Remarque tu es toujours superbe, s’empressa-t-il de rectifier, mais là, franchement, tu es belle à couper le souffle !
- Tu n’es pas trop mal non plus, répliqua Déborah. Puis, ils se mirent à parler de choses et d’autres jusqu’à ce que Claude Barano leur suggère d’aller se mêler au reste des invités.
Déborah en profita pour rejoindre Nina et ses amis. Ce n’est qu’en arrivant à ses côtés qu’elle découvrit la présence de Thomas Forestier. Lancé dans une conversation animée avec une jeune femme, ce n’était pas Ella nota-t-elle avec une pointe de satisfaction. Il ne l’avait pas vu arriver et ne remarqua donc pas son saisissement. Elle ne s’attendait pas à le rencontrer ici, si vite après leur entrevue de l’après-midi, et elle ne savait comment réagir. Mais surtout, elle ne pouvait détacher ses yeux de Thomas.
Si, lors de leurs précédentes rencontres, il avait l’air extrêmement misérable dans ses jeans troués, ce soir il était plus séduisant que jamais. Son costume lui allait à la perfection, soulignait son élégance naturelle. Il est de loin le plus bel homme de la soirée, pensa-t-elle. Soudain, comme conscient d’être fixé, Thomas s’interrompit et tourna la tête vers elle. Quand leurs yeux se rencontrèrent, ils y lurent la même stupéfaction, et la même admiration.
Un sentiment très étrange s’était emparé de Déborah. Elle était stupéfaite par sa métamorphose, qu’était devenu l’homme négligé, mal coiffé, jean troué dont l’apparence provoquait son irritation ? A la place, elle découvrait un homme, et l’un des plus beaux qu’elle ait jamais rencontré. Déborah fut tirée de ses réflexions par Nina qui se pencha vers elle et murmura.
- Hum, hum quelle cachottière tu es ! Dis-moi vite qui est ce superbe inconnu.
- De quoi tu parles ? Balbutia Déborah, encore sous le choc en s’obligeant à respirer profondément pour calmer les battements désordonnés de son cœur.
- De cet homme voyons, ne fais pas l’innocente, répliqua son amie avec une nuance d’agacement dans la voix. Celui qui t’a regardée et que tu as regardé si fixement. On se serait cru dans un film.
- Oh lui, dit Déborah, d’un ton léger sans relever le dernier commentaire de Nina.
- Oui, lui !
- Et bien, c’est … euh … mon voisin.
Sans ajouter un mot, Nina saisit Déborah par le bras et l’entraîna un peu à l’écart. Après s’être assurée que personne ne pouvait surprendre leur conversation, elle reprit.
- Tu ne me feras jamais croire qu’il n’est que cela. Vos yeux parlent pour vous !
Autant pour éviter de s’expliquer que parce qu’elle devinait le regard de Thomas à nouveau sur elle, Déborah feignit de s’intéresser aux photos exposées.
- Admire ce grand talent ! Cet oiseau s’emble vouloir s’envoler du cadre.
- Oui, il est superbe, répondit impatiemment Nina, mais inutile de changer de sujet. Je suis ton amie depuis assez longtemps pour avoir le droit de savoir ce qui se passe.
- Désolée de te décevoir, fit Déborah, je t’assure qu’il n’y a rien entre nous.
- Je ne peux pas le croire, s’entêta la jeune femme.
- Il le faudra bien pourtant, décréta Déborah d’un ton ferme. Maintenant fais-moi plaisir, cesse de m’ennuyer avec cette histoire, ajouta-elle en se dirigeant vers une autre photo, suivi de Nina, désappointé, qui grommelait tout bas.
- Si tu n’étais pas mon amie …
- Si tu étais mon amie, tu me laisserais tranquille, tu sais bien que je viens de traverser une crise sentimentale, compléta Déborah.
- Tu as raison, excuse-moi, j’ai tendance à me laisser emporter par la curiosité. J’espère que tu nous présenteras, conclut-elle en glissant un œil vers Thomas.
- C’est toi qui devais me présenter Armand.
- Tu veux vraiment le voir ?
- Bien sûr.
- Personnellement, je préférais la compagnie de ton voisin, avoua Nina.

Armand parut ravi de rencontrer Déborah, cependant cette dernière ne prêta aucune attention à leur conversation, elle demeura sensible à la présence de Thomas, à sa façon particulière de se déplacer, de plaisanter, sans pourtant quitter Déborah du regard.
Puis vint le moment où ils ne purent plus éviter de se parler car Nina, incapable de résister plus longtemps, profita quand il passa près d’elles pour l’interpeller.
- Je crois que vous êtes le voisin de Déborah ?
- Oui, c’est vrai.
- Mon nom est Marina Dufour, mais tout le monde m’appelle Nina, continua la jeune femme.
Comme son amie la regardait, attendant qu’elle intervienne, Déborah, Malgré sa gêne, fit les présentations.
- Nina, voici Thomas Forestier.
- Je ne m’attendais pas à vous rencontrer ici, déclara Thomas à l’adresse de Déborah, tout en serrant la main de son amie. Etes-vous venue par intérêt pour les œuvres exposées ? demanda-t-il en souriant.
Avant qu’elle puisse répondre, Armand rejoint leur petit groupe.
- Ma belle, dit-il en s’adressant à Nina, je suis sûr que toi aussi, tu en as assez ! Que dirais-tu si je t’invitais à manger un morceau quelque part ?
- Ma foi, j’accepterais ton invitation, je suis exténuée. Et vous, pourquoi ne viendrez-vous pas avec nous ?
- Non, merci je dois rester encore un peu, s’excusa Déborah tout en cherchant à éviter le regard de Thomas.
Pendant le reste de la soirée, Thomas chercha à croiser de nouveau le regard de Déborah sans succès. Il ne put réprimer un mouvement d’humeur quand il la vit discuter avec un homme jeune et séduisant et qui de toute évidence, n’était pas insensible à son charme.

La chance souriait à Thomas, le gala de bienfaisance avait été un succès, les œuvres qu’il avait exposées sous le pseudonyme Samot avaient été toutes vendues, permettant ainsi de récolter une coquette somme d’argent pour la réalisation du Centre d’accueil pour enfants. Fort de ce succès, Claude Barano avait décidé de mettre à l’honneur le travail de l’artiste en exposant de nouvelles œuvres dans une des salles de la Galerie
Décidément, tout allait mal ces derniers temps, songeait Déborah en montant les marches manant à son appartement. Cet après-midi en particulier avait été pénible, elle avait été chargé par son directeur d’organiser l’exposition des œuvres de Samot. Elle se souvient encore du choc qu’elle avait reçu en voyant les portraits d’Ella Lazaro lorsqu’elle avait réceptionné les photos. Découvrant ainsi que Samot et Thomas n’était qu’une seule et unique personne. Elle comprenait mieux la présence de Thomas au Paradis Club. Perdue dans ses réflexions, Déborah ne prêta pas attention à ce qui l’entourait et se dirigea immédiatement vers son appartement. Elle ne vit pas ce qui était posé sur le sol jusqu’au moment ou elle trébucha violemment dessus.
Thomas s’apprêtait à passer à table quand d’un coup violent frappé à sa porte le fit sursauter. Il n’attendait personne. Avant qu’il ait pu s’interroger d’avantage une grêle de coups rageurs le poussa à aller voir de quoi il retournait.
- Bon sang, explosa-t-elle dés que Thomas ouvrit la porte, vous avez perdu la tête ! On ne laisse pas des … euh … des je ne sais quoi en plein milieu du chemin ! Je n’ai jamais rencontré personne d’aussi irresponsable que vous, d’aussi fou, et … Mais les mots s’étranglèrent dans sa gorge car Thomas ne l’écoutait plus. Il l’avait écarté et s’était précipité sur les colis renversés. Surprise par cette réaction inattendue, Déborah pivota et découvrit Thomas occupé à contrôler le contenu des colis.
- Dieu merci, ils ne sont pas percé, lança-t-il d’un ton froid en la foudroyant du regard.
- Si vous n’aviez pas laissé traîner vos affaires là, je n’y aurais pas touché ! dit-elle furieuse.
- Je n’ai pas le temps à perdre en vaines disputes, jeta Thomas avant d’empoigner ses colis et de les emporter à l’intérieur de son appartement.
Les traits tirés par la contrariété, Déborah le suivit des yeux alors que la colère grondait en elle. S’il pensait éluder une explication sérieuse en s’enfuyant, il se trompait ! Il devrait assumer ses responsabilités, elle y veillerait ! Se promit-elle en lui emboîtant le pas.
Mais Thomas lui claqua la porte au nez, puis se dirigeât vers sa chambre noire, déposa ses colis sur une étagère en s’assurant une fois de plus qu’ils n’avaient subit aucune détérioration.
Immobile, les yeux fixés sur la porte, Déborah, demeura songeuse en long moment, hésitant sur la conduite à adopter. Au moment où elle commença à revenir sur ses pas, Thomas ouvrit sa porte.
- Je suis désolé, déclara-t-il, je croyais vraiment que le livreur avait déposé la marchandise près du mur. Vous ne vous êtes pas fait mal au moins ? S’inquiéta Thomas.
Déborah l’observa à la dérobée, cherchant à déterminer s’il était sincère ou s’il ironisait, il paraissait sincère, remarqua-t-elle alors que sa rancœur à son égard disparaissait.
- C’est de ma faute, dit Déborah, je n’ai pas regardé où je mettais les pieds.
- Pourtant je me sens responsable de ce qui est arrivé, insista Thomas. Ces colis contenaient de l’acide acétique, c’est très corrosif et doivent être manipulé avec soin.
- C’était un accident, n’en parlons plus, dit Déborah en haussant les épaules.
Thomas ne répondit pas immédiatement. Il ne parvenait pas à analyser clairement ce qu’il ressentait envers la jeune femme, tantôt il la trouvait irritable, tantôt il la désirait follement ! Jamais personne ne l’avait intrigué et attiré autant.
- Vous avez dîné ? Les mots étaient sortis de ses lèvres sans qu’il s’en rende compte.
- Non, dit Déborah, surprise par la question, en fonçant les sourcils.
- Dans ce cas, laissez-moi vous inviter à dîner.
Comme Déborah le fixait étrangement, sans répondre, il se hâta de préciser.
- C’est le moins que je puisse faire, pour me racheter après ce qui est arrivé. Alors que décidez-vous ?
- Et bien, nous pourrions nous retrouver vers vingt heures, articula-t-elle enfin.
- C’est parfait, à tout à l’heure, vingt heures donc, conclura-t-il en se dirigeant vers son appartement.

Elle apportait la dernière touche à son maquillage quand on sonna à la porte. Il n’avait aucune raison de se sentit nerveux, se répétait Thomas en attendant que Déborah vienne ouvrir. Il l’avait simplement invité à dîner, rien de plus ! Mais quand Déborah parut devant lui, avec son sourire ensorcelant, ses sages résolutions fondirent comme neige au soleil.
Quant à Déborah, sa propre nervosité l’empêcha de remarquer l’air tourmenté de Thomas et elle s’étourdit en parlant sans arrêt jusqu’à ce qu’ils arrivent à l’auberge aux loups, comme elle l’avait deviné.
Elle avait des nouvelles des Simon, lui apprit-elle grâce à une lettre arrivée le jour même. Le couple se plaisait chez leur fille, remarque qui amena un sourire ironique sur les lèvres de Thomas.
- Je ne suis jamais venu ici auparavant, précisa-t-il avant de descendre de voiture. J’ai des amis qui raffolent de la cuisine que l’on y sert. En fait, j’entends parler de ce restaurant depuis des années, continua-t-il.
Sans que Déborah ne songe à lui avouer qu’elle connaissait parfaitement l’auberge aux loups. Il descendit de la voiture et alla ouvrir la portière de sa passagère. Puis il l’entraîna vers le restaurant. Ils n’eurent à patienter que quelques minutes et bientôt, Maryse s’approcha de leur table. Occupée à sortir son carnet et son stylo de sa poche, elle ne reconnut pas Déborah qui du se mordre les lèvres pour ne pas éclater de rire devant l’air désespéré de son amie.
Lorsque Thomas leva les yeux du menu pour savoir ce que Déborah comptait commander, il demeura stupéfait par son air moqueur. Mais avant qu’il puisse lui poser la moindre question, Maryse relava la tête !
- Dieux tout puissants ! s’exclama-t-elle, regardez qui est là ! Avant de prendre Déborah dans ses bras pour l’embrasser.
- Maryse, je te présente Thomas Forestier. Thomas, voici Maryse.
Tous deux se saluèrent de la tête et Maryse dévisageât Thomas comme elle le faisait toujours quand Déborah autrefois, lui présentait ses petits amis.
- Maryse me connaît depuis des années, expliqua-t-elle à Thomas. En fait, j’ai passé beaucoup de temps dans ce restaurant.
- C’est vrai, nous avons tous veillé sur son éducation, ici même.
Thomas regarda Déborah, l’air étonné, alors que Maryse, appelée à une autre table, s’éloignait
- Vous habitiez ici ? S’enquit-il, incrédule.
- Non, je venais rejoindre mon grand-père après l’école. Précisa-t-elle.
- Alors votre grand-père …
- Etait le propriétaire du restaurant, compléta Déborah. A la mort de mon grand-père, j’étais en première année de maîtrise en histoire de l’art à Oxford.
- Vous avez étudié l’histoire de l’art ?
- Oui, dit-elle d’un air amusé, j’ai même obtenu mon diplôme. Le monde est petit n’est-ce pas Monsieur Samot ?
- Vous travaillez à la Galerie d’art ?
- Oui … depuis deux semaines.
Thomas comprenait mieux la présence de Déborah au Paradis Club l’autre soir, à cette idée, il sourit … et Déborah se méprit sur le fond de sa pensé.
- Je ne vois pas ce qu’il y a de comique, jeta-t-elle d’un ton sec.
- Je ne vous imaginais pas travaillant dans un milieu d’artistique.
- Et pourquoi pas ? Riposta Déborah vivement.
- Non, vous ne me comprenez pas. C’était un compliment, murmura-t-il, amusé de constater à quel point elle était spontanée.
Sa remarque agaça un peu Déborah car elle ne savait pas s’il se moquait ou non. Avec lui, elle n’était jamais sûre de rien !
Quant à Thomas, il empoigna le menu comme bouclier, et se plongea dans l’examen de la liste des plats.
- Puisque vous connaissez bien l’endroit, que me recommandez-vous ? A moins que la cuisine n’ait changé depuis.
- Non, la cuisinière est toujours la même, lui apprit-elle, avant que le retour de Maryse ne mette fin à leur conversation.
- Désolée d’avoir tardé ! Alors que désirez-vous ?

L’arrivée des plats apporta une heureuse diversion et ils plongèrent dans la dégustation sans beaucoup parler. Puis, c’est avec soulagement que Thomas régla l’addition. Il avait hâte de raccompagner Déborah chez elle et de regagner, seul, la tranquillité de son appartement.