14 juin 2009

Les lois du coeur - La fusion (6)



Déborah s’approcha de la fenêtre et écarta légèrement les rideaux. Le temps était gris, humide et brumeux. Elle appuya pensivement son front contre la vitre. Cette journée triste et maussade était parfaitement en accord avec son état d’esprit. Elle se sentait plus seule encore qu’à l’accoutumée. Mais de toute façon, elle n’avait ni l’envie ni le courage d’apporter la moindre modification.
Quittant son poste d’observation, elle se dirigea vers la cuisine et remplit la bouilloire. Puis, elle la mit à chauffer sur sa cuisinière et ouvrit le placard pour y prendre la théière et un bol. Aussitôt, Pimky sauta sur le bord de la table et commença à miauler.
- Viens mon gros, je vais préparer ton assiette, murmura-t-elle en prenant le chat dans ses bras.
Une porte claqua, et quelqu’un dévala les marches en courant. Déborah supposa qu’il devait s’agir de Thomas. Sans doute allait-il retrouver Ella. Songea-t-elle avec un douloureux pincement au cœur. Elle soupira, et versa l’eau chaude dans la théière. Elle se souvenait avec acuité la douceur des lèvres de Thomas sur les siennes. S’efforçant de chasser ce souvenir, Déborah se versa une tasse de thé et alla s’installer près de la fenêtre pour le boire.
La sonnerie stridente du téléphone la fit tressaillir. Posant son bol sur la table, elle se leva et décrocha le combiné.
- Allo ?
- Déborah ? Denise Simon à l’appareil. Je ne vous réveille pas j’espère ?
- Non… bien sûr que non ! La rassura Déborah. Comment allez-vous ?
- Aussi bien que possible, Mon mari et moi revenons tout juste d’une petite promenade matinale.
- Et Londres vous plait ?
- C’est surtout merveilleusement animé. Dites-moi Déborah, comment va notre Pimpky ? Il ne vous fait pas trop de caprice ?
- Non, au contraire, sa compagnie est très agréable, avoua Déborah.
- Si vous avez le moindre souci n’hésitez pas à nous appeler chez Charlotte.
- Merci à vous, Denise. Je vous promets de vous informer s’il y a le moindre problème, d’accord ?
- D’accord, ma petite Déborah. A bientôt donc.
- A bientôt, Denise.
- N’oubliez pas d’embrasser Pimky de notre part !
- Je n’y manquerai pas.
Déborah raccrocha lentement. Elle demeura immobile quelques secondes. Il lui semblait à présent que le ciel était moins gris, et il y avait même un rayon de soleil qui tombait sur le canapé. Impulsivement, elle avait tout à coup envie de prendre l’air.
Elle s’enferma dans la salle de bains pour prendre une douche. Lorsqu’elle eut terminé elle s’essuya vigoureusement et au moment de s’habiller, Déborah marqua une légère hésitation. Elle n’avait pas envie de mettre une tenue trop habillée aujourd’hui. Ouvrant son placard, elle examina rapidement sa garde-robe et choisit de porter un jean et un gros pull-over. Puis chassa une paire de basket, et se lança un dernier coup d’œil à la glace. Ce qu’elle y vit lui parut tout à fait satisfaisant. Attrapant son sac à main au vol, elle se rua hors de l’appartement et dégringola les marches.

Les jours suivants défilèrent très rapidement. Noël arriva bientôt, et avec lui, un surcroît de travail. Déborah n’eut pas une seule fois l’occasion de rencontrer Thomas. Elle l’aperçut de loin à une ou deux reprises, mais il était toujours escorté d’Ella.
Le mois de décembre fut particulièrement orageux, cette année-là. Un soir, alors que Déborah était couchée, la tempête faisait rage. La jeune femme redoutait les orages depuis sa plus jeune enfance, mais cette fois le tonnerre fracassant et les éclairs ininterrompus mirent un comble à sa terreur. N’y tenant plus, elle bondit de son lit et se dirigeât vers la cuisine quand les cieux brusquement parurent se déchirer en deux tandis qu’une effroyable clarté l’aveuglait l’espace d’une fraction de seconde. Avant même que le tonnerre n’ait retenti, Déborah effrayée, courut vers la porte.
Thomas se blottit au fond se son lit, les aiguilles phosphorescentes de sa montre marquaient minuit moins le quart. Il avait besoin de se reposer, d’autant qu’il avait mal dormi ces derniers jours et qu’il n’avait pas très bon moral.
Il était las de ses réflexions lorsque quelqu’un frappa à la porte. Thomas se redressa d’un bond dans son lit.
- Thomas ? Cria Déborah de l’autre côté de la porte.
En un temps record, il sauta de son lit et enfila sa robe de chambre. Figée devant la porte, incapable de bouger, elle tremblait de tous ses membres quand la porte s’ouvrit brutalement.
- Que se passe-t-il, Déborah ? Vous ne vous sentez pas bien ?
- Oh Thomas, gémit la jeune femme, et n’écoutant que son instinct, elle se réfugia dans ses bras pour enfouir son visage livide aux creux de son épaule.
Il la tint longtemps tout contre lui et, peu à peu, le contact de son corps parut calmer les soubresauts nerveux qui agitait Déborah.
- Calmez-vous, à présent, ajouta-t-il. Je vais rester auprès de vous jusqu’à la fin de la tempête.
Il la souleva et la transporta avec un infinie douceur jusqu’au sofa où il s’assit tout contre elle. Cherchant inconsciemment le réconfort de sa chaleur, Déborah se lova comme un enfant entre ses bras avant de murmurer d’une voix saccadée.
- D’habitude, je … j’arrive à me contrôler, mais cette fois…
- Cette fois, la foudre n’est pas tombée bien loin, sourit-il en lui caressant les cheveux.
Il la tint ainsi blottie contre lui pendant un très long moment. Dehors le tonnerre se faisait plus lointain et l’on entendait plus que le martèlement de la pluie sur les vitres des fenêtres.
Déborah ne tremblait presque plus, vêtue de sa fine chemise de nuit, elle était si désirable. Thomas l’embrassa légèrement d’abord, presque distraitement, puis quand les bras de Déborah se nouèrent étroitement autour de sa nuque, sa bouche aussitôt se fit exigeante. S’était-il vraiment promis de ne pas succomber à son charme ? Tous ses efforts pour l’exclure de sa vie paraissaient si futiles maintenant… et peu lui importait.
Thomas émit un grognement rauque et ses lèvres abandonnèrent la bouche de la jeune femme pour errer avec fougue sur sa gorge. Il glissa une main dans l’échancrure de sa chemise de nuit afin de caresser avec une douceur exquise sa poitrine tiède et palpitante. Incapable de penser, incapable d’analyser les émotions dont elle était en proie. Déborah n’était consciente que de son désir confus de se donner à l’être qui lui communiquait sa passion, et de le suivre aussi loin qu’il le voudrait.
Il se redressa et la contempla longuement sans mot dire, enfin Déborah lisait dans son regard qu’il la désirait plus que tout, au point de rejeter ses principes, ces habitudes et une joie immense l’envahit.
Quand elle sentit les mains douces de Thomas sur son corps, elle se cambra et l’aida avec une totale impudeur à faire glisser sa chemise de nuit le long de son corps. En quelques secondes, elle se trouva nue contre lui et oubliant toute retenue, Déborah l’attira vers elle et se pressa amoureusement contre lui, savourant le premier contact de leur corps.

Tout était arrivé si vite ! Elle avait eu l’impression de connaître Thomas depuis toujours. Avec lui, ses mouvements s’étaient enchaînés naturellement. Jamais elle n’aurait osé imaginer d’une telle entente, d’une telle perfection. Déborah caressa très doucement les cheveux de Thomas.
Les yeux fermés, il ne bougea pas malgré les caresses. C’était finalement arrivé, juste au moment où il s’y attendait le moins. Certes il avait désiré lui faire l’amour dès le premier jour qu’il l’avait rencontrée, même s’il l’avait d’abord nié, même s’il avait tout fait pour l’éviter.
Lentement il se tourna vers elle, jamais il n’avait ressenti une telle plénitude, une telle communion.
- Déborah, commença-t-il d’un ton coupable, je …
Mais il ne peut clore sa phrase car elle venait de lui couper la parole.
- Non, le rassura-t-elle, devinant ce qui le tourmentait. Ne dis rien. Je suis heureuse de ce qui s’est passé entre nous.
- Tu es sincère ?
- Oui.
Il jouait avec le feu, mais après tout, peut-être parviendrait-il à ne pas s’attacher outre mesure à elle. Pourquoi ne pas profiter pleinement du plaisir qu’elle lui donnait, il serait toujours temps de mettre fin à leur liaison quand il le désirait.
Pourtant il savait bien qu’avec Déborah, c’était différent, dés leur première rencontre, un lien invisible mais solide s’était noué entre eux. La voix de Déborah le tira de ses réflexions.
- C’est difficile à croire mais je n’ai jamais éprouvé quelque chose d’aussi intense… d’aussi fort.
Thomas demeura silencieux, sans mot dire, il se leva et, après un dernier regard à Déborah il quitta la pièce.
Comme il tardait à revenir, elle se leva à regret et enfila sa chemise de nuit. Ses membres étaient encore délicieusement las et le désir toujours aussi vivace en elle. Pieds nus, elle se dirigeât vers la cuisine où elle pensait trouver Thomas. Ce dernier s’y trouvait en effet. Il était distant et Déborah ne sut que dire.
- Ce n’est pas un jeu, Déborah.
- J’en suis parfaitement consciente.
- Je ne sais comment qualifier nos relations, dit-il l’air sombre. Mais de toute façon, je pense que nous devrions y mettre un terme … avant que …
- Avant que quoi ? L’interrompit Déborah en relevant la tête pour le fixer dans les yeux. Je ne suis pas naïve au point de penser qu’un homme a besoin d’être amoureux pour coucher avec une femme, mais … Elle hésita un instant et l’observa.
- Mais je crois que tu m’aimes bien.
- Arrêtes donc de me prêter les sentiments et les pensées qui te conviennent, s’impatienta-t-il. Tu ne me connais pas !
- Je ne demande qu’à te connaître.
- Cela ne marchera pas, Déborah, la prévient-il.
Soudain elle douta d’elle. Peut-être s’était-elle trompée. Peut-être était-elle la seule à éprouver un sentiment aussi fort.
- Je … elle s’interrompit car l’émotion faisait trembler sa voix. Alors qu’elle se dirigeait vers la porte, elle entendit la voix de Thomas.
- Déborah, tu me troubles plus que n’importe quelle femme. Au point que j’oublie tout bon sens, toute raison.
- Je sais, je ressens la même chose, avoua-t-elle d’un regard triste et découragé.
En deux enjambées il la rejoint et la serra fort contre lui. Elle le rendait fou, il s’était juré de ne jamais s’attacher à une femme, de ne jamais laisser personne lui faire perdre la tête, et voilà qu’il oubliait toutes ses résolutions. Je dois absolument trouver un moyen de préserver mon indépendance. Se dit-il en son fort intérieur.
- Déborah, il faut mettre les choses au clair.
- Oui ? répondit-elle. Elle aurait accepté n’importe quoi pour le garder près d’elle.
- Il ne peut être question d’attaches sérieuses entre nous. Convenons d’un accord, lorsque l’un de nous voudra rompre, il le fera et l’autre ne s’y opposera pas. Nous nous quitterons sans pleurs et sans reproches.

Déborah le regarda dans les yeux puis, pour toute réponse, lui offrit ses lèvres, confiante et définitivement apaisée.